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LES ENTRETIENS D'ALLICE : « La clé pour réussir dans l’efficacité énergétique c’est de penser en dehors des cases et de sortir des sentiers battus ! » - Rim El Arjoun, Helioclim

Le 13|07|2023 Publié le 13|07|2023
" La clé pour réussir dans l’efficacité énergétique c’est de penser en dehors des cases et de sortir des sentiers battus ! "
Rim El Arjoun, CEO d’HELIOCLIM, entreprise spécialisée dans les nouveaux modes de production thermique, basée à Cannes et à Paris.


ALLICE : Vous êtes titulaire d’un double diplôme en marketing et en finance à Paris Dauphine, un profil plutôt inhabituel pour un poste de CEO dans le monde de l’industrie. Qu’est-ce qui vous a amenée à être à la tête d’HELIOCLIM ?

J’ai tout d’abord commencé ma carrière dans une entreprise de la grande distribution où j’ai eu l’opportunité d’aller en Italie pour y développer un nouveau marché. J’ai adoré cette expérience qui m’a donné un premier aperçu de ce que pouvait être une aventure entrepreneuriale, et j’y ai pris goût. 

À mon retour en France, j’ai adhéré à ALLICE. Lors d’un webinaire, un des fondateurs d’HELIOCLIM a annoncé que l’entreprise était disponible à l’achat, et j’ai sauté sur l’occasion. J’ai donc repris l’entreprise en 2020 avec quelques salariés et les 2 fondateurs qui ont choisi de poursuivre l’aventure. J’ai pour habitude de dire en rigolant qu’ALLICE « est le MEETIC » de l’efficacité énergétique !

Qu’est-ce qui vous plaît tant dans l’industrie, et plus particulièrement dans le domaine de l’efficacité énergétique ?

Je crois sincèrement que pour réussir dans n’importe quel secteur il faut deux ingrédients : une grande flexibilité intellectuelle et une forte curiosité. Ce sont deux aspects que je peux mettre à profit dans ce secteur, et qui m’aident beaucoup. Je m’intéresse en profondeur à ces sujets, ce qui me permet d’en comprendre les enjeux, sans toutefois aller jusqu’à faire une étude de dimensionnement (rires). 

C’est aussi évidemment un engagement personnel, qui s’inscrit dans une réflexion globale sur nos modes de consommations et sur l’effet papillon de nos actions quotidiennes. C’est peut-être naïf de ma part, mais je pense qu’on ne peut pas rester dans le secteur de l’efficacité énergétique si ce n’est pas une conviction qui vient du cœur.

Et je dois souligner que je suis particulièrement bien accompagnée dans cette aventure. J’ai la chance d’avoir à mes côtés des profils techniques experts de la thermochimie et de la maîtrise des matériaux.

Vous semblez porter une attention particulière à vos équipes.

Oui, j’accorde beaucoup d’importance aux collaborateurs qui forment notre équipe car une bonne cohésion génère une ambiance positive et motrice. Nous sommes particulièrement attentifs aux profils que l’on recrute car on souhaite qu’ils s’intègrent bien dans l’équipe.

Le recrutement est d’ailleurs un des enjeux de notre implantation en PACA. C’est un territoire où le travail saisonnier est plutôt recherché, nous avons donc un défi de taille qui est de fidéliser nos collaborateurs. Notre processus de fabrication n’existe nulle part ailleurs, tout est écoconçu en interne, nous avons donc besoin de compter sur des personnes compétentes et formées pour produire des équipements de qualité.

Une équipe soudée est donc le gage d’une entreprise qui réussit ?

Totalement ! Quand j’ai repris HELIOCLIM, l’entreprise comptait 3 salariés, et nous sommes maintenant plus de 30 au bout de 2 ans ! Nous clôturons l’année avec un beau CA et des résultats plus que satisfaisants, tout cela grâce à l’implication de nos collaborateurs techniques qui ont réussi des tours de force. Ils sont prêts à se retrousser les manches et à penser en dehors des clous avec moi. Cette mentalité est très importante, notamment dans le secteur de l’efficacité énergétique où il y a tout à faire ! Nous devons quotidiennement inventer des systèmes qui n’existent pas encore. Plus on démine un problème, plus on se rend compte qu’une autre chose doit être réglée derrière. Et le fait d’avoir des esprits rationnels, techniques, mais capables d’envisager des solutions en dehors des cases, c’est important pour aller vite sur des process de développements techniques.

Auriez-vous des exemples pour l’illustrer cette nécessité de penser hors des cases dans le domaine de l’efficacité énergétique ?

La genèse de notre société en est un bon. À l’origine HELIOCLIM a été créée par 5 fondateurs qui travaillaient dans le secteur aérospatial, et qui concevaient des capteurs solaires destinés aux satellites. Ils se sont alors demandé comment mettre leurs connaissances pointues en résistance des matériaux, et en capteurs au profit de la transition énergétique.

Et quelles sont aujourd’hui les applications pour votre solution ?

Notre technologie se destine aussi bien à l’industrie qu’au tertiaire et est adaptée à tous types de secteurs qui ont besoin de chaleur, et / ou qui rejettent de la chaleur fatale. Nous travaillons sur la capture solaire à concentration qui transforme la chaleur en froid par un phénomène d’absorption. D’une part nous avons une brique technologique chaude avec des capteurs solaires à concentration qui permettent de faire éventuellement de la vapeur à usage industrielle, et de l’autre une machine à absorption qui permet de transformer tout type de chaleur, fatale ou solaire, en froid.

Nos solutions s’adaptent donc à tous les contextes de l’industrie avec des consommations de chaud et de froid. Nos équipements ne sont jamais en remplacement à 100% des usages thermiques. Ils s’ajoutent aux équipements classiques installés chez les clients en vue de mettre en place des économies d’énergies. On peut par exemple remplacer jusqu’à 30% des consommations annuelles de gaz ou d’électricité. Il faut noter aussi que notre principale force réside dans notre cœur technique solide (notre chaine de valeur est internalisée) mais aussi et surtout la maîtrise financière des projets qui évite à l’industriel de devoir investir.

Il y a un projet en particulier dont vous aimeriez parler ?

Lors de la dernière édition de FIRE (évènement co-organisé par ALLICE et le CETIAT) nous avons présenté les projets que nous avons mis en place sur les sites d’ETYPHARM. Le premier projet permet de décarboner un quart des émissions du site relatives à la consommation de chaleur, soit 500t CO2 évitées par an. Sur le deuxième site, notre installation permettra d’effacer l’équivalent de la consommation des lotissements aux alentours pendant une année. C’est un engagement fort par rapport aux populations et aux territoires sur lesquels on est implantés.

Ces chiffres sont plus qu’encourageant pour les industriels. Sont-ils prêts à passer le pas ?

Évidemment, depuis un ou deux ans, la flambée du coûts des énergies amène les industriels autour de la table. Ils cherchent à optimiser leurs process quand ils ont installé tous les équipements standards qui existent. Malheureusement nous ressentons un manque d’accompagnement la part des autorités administratives compétentes pour les acteurs comme nous. Ils sont censés pousser les champions industriels de demain - qui certes sont petits et avec des technologies émergentes - mais qui, avec un coup de pouce pourraient devenir les futures multinationales de la France dans un monde énergétique très bataillé.

Aujourd’hui on observe une certaine volonté de la part des organes directeurs du pays dans leur état macro, mais elle ne transparait pas encore du côté des opérationnels qui rechignent à pousser des technologies qu’ils ne connaissent pas encore, en privilégiant des équipements standards. C’est dommage ! C’est en sortant du cadre habituel que l’on trouve des perspectives !

Comment faites-vous face à ce manque d’accompagnement ?

Pour notre part, nous misons sur deux compétences technique et financière. Grâce à elles, nous arrivons à trouver des leviers de compétitivité en dehors de tous les cadres de financement. Si nous étions restés sur le modèle industriel classique, nous n’aurions pas tenu longtemps. Tous les jours je vois des entreprises valides, avec des technologies prometteuses, qui déposent le bilan faute d’accompagnement. 

Et au-delà de ce manque d’accompagnement, quels sont selon vous les enjeux du secteur de la décarbonation de l’industrie de manière plus générale ?

Comme je le disais à l’instant, pour moi, l’un des défis majeurs est de penser hors des cases, pour ensuite gagner la confiance du marché. Mais plus largement en tant qu’industriels nous devons nous parler, tisser des liens, et ne pas hésiter à aller voir ce qu’il se fait dans d’autres secteurs que ceux que l’on connait ! Par exemple j’ai pu rencontrer des gens de tous horizons dans les évènements en présentiel. Ce sont ces échanges qui me nourrissent et qui m’encouragent à innover.

Vous tirez donc bénéfice de votre adhésion ?

Évidemment ! Je peux notamment citer l’étude ALLICE « Froid Performant dans l’industrie », qui a été déterminante dans notre réflexion, et qui nous a beaucoup aidé à nous projeter sur le sujet. Nous avons aussi eu des rebonds business et été sélectionnés dans le cadre de France Relance grâce à la présentation que nous avions fait avec deux autres adhérents ALLICE lors du FIRE 2020. Grâce à l’édition 2022 en septembre, nous avons pu rencontrer une organisation intéressée par notre technologie dans le secteur de l’agroalimentaire. ALLICE traite plein de sujets de façon experte et documentée. Elle nous permet d’être en contact avec des gens qui présentent des REX, et des équipes R&D qui sont aux prises avec le marché au quotidien.

Pour le mot de la fin, quel serait votre adage en lien avec le monde de la décarbonation ?

"Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme !"

C’est certainement basique mais c’est la vérité ! Je me réjouis de me servir dans la « poubelle » de l’industrie via la récupération de chaleur fatale et d’en faire de la valeur ! On génère des économies avec ce qui devrait être perdu et cela a du sens !
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